February 22, 2016

LE MONDE: Comment Volkswagen peut-il se faire pardonner ?

Comment Volkswagen peut-il se faire pardonner ?

LE MONDE ECONOMIE | 23.10.2015 à 12h03 • Mis à jour le 24.10.2015 à 13h07 |Par Robert Bell (Brooklyn College, City University de New-York)

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Volkswagen a besoin de se faire pardonner, et vite. L’entreprise risque une amende de 18 milliards de dollars (15,9 milliards d’euros) aux Etats-Unis, et elle devra verser des compensations à d’autres pays ainsi qu’à des plaignants un peu partout dans le monde. Chacun sait, aujourd’hui, qu’elle a admis avoir introduit un logiciel dans 11 millions de véhicules diesel, afin de fausser les tests de pollution.

Un problème d’éthique et de gouvernance ? Certes, mais le fond de la question est ailleurs : c’est la dissimulation d’une « déception technologique », qu’Elon Musk, le fondateur de Tesla, exprime en ces termes (Le Monde, daté 27-28 septembre) : « J’imagine que Volkswagen était sous une énorme pression et s’est retrouvée coincée par ce qui est effectivement possible. Après cela, la tricherie est la seule option… le diesel atteint ses limites… le seul moyen de réduire les émissions, c’est de changer de technologie. »

Lire aussi : L’américain Tesla veut profiter des déboires du diesel

J’ai donné, dans deux livres (Impure Science, Wiley, 1992 ; Les Péchés capitaux de la haute technologie, Seuil, 1998), d’autres exemples de technologies qui s’étaient avérées décevantes : armes pour le Pentagone, projets de la NASA, médicaments, appareils médicaux, projets européens de haute technologie… Les dirigeants se rendent compte trop tard qu’ils se sont lancés dans une technologie qui ne répond pas aux attentes. Presque toujours, ils écrasent alors quiconque dit la vérité et se met en travers de leur passage.

Une voiture électrique moins chère

Presque inévitablement, la direction nie avoir eu connaissance de toute malversation, comme cela a été le cas avec Volkswagen. « Je sais que c’est très difficile à croire, a affirmé, devant le Congrès américain, le plus haut dirigeant du groupe aux Etats-Unis. Moi aussi, je lutte. » Quant aux régulateurs, ils ont généralement un temps de retard, souvent à cause de conflits d’intérêts ou d’incompétence.

Comment Volkswagen peut-il se faire pardonner ?

Pas en développant une voiture électrique moins chère que celles d’Elon Musk. Il y en a déjà, et beaucoup de marques ont annoncé des gammes comparables à Tesla. Pas non plus en lançant une campagne publicitaire ; pourquoi leur ferait-on confiance de nouveau ? Pour se racheter, Volkswagen doit faire (au sens de « fabriquer ») quelque chose qui détourne l’attention de cette tache sur sa réputation, et qui soit au profit d’un avenir plus propre.

De nombreux observateurs pensent que cet avenir propre réside dans les voitures électriques. La rédemption de Volkswagen pourrait se trouver dans la lutte contre le principal obstacle au développement des voitures électriques : le manque criant d’infrastructures de recharge.

Un « fonds de rédemption vert »

La firme pourrait trouver sa rédemption en investissant volontairement dans un fonds pour développer ces infrastructures. D’autres constructeurs automobiles – peut-être plus nombreux qu’on ne le pense – pourraient bien se trouver obligés de s’amender, eux aussi. Ils pourraient le faire en investissant dans le même fonds, que l’on pourrait nommer le « fonds de rédemption vert » (green redemption fund). Qui dit rédemption dit culpabilité – pour le réchauffement climatique, la pollution de l’air, les dommages à la planète, etc. Et Volkswagen a reconnu sa culpabilité.

J’ai proposé ce concept en 2010 dans une conférence au G20 en Corée (www.dailymotion.com/video/xg8inc_g20-seoul-robert-bell-green-redemption-speech-full-text_tech). L’idée est simplement que les investisseurs disposant de grosses sommes d’argent bloquent des fonds sur des investissements à très long terme dans l’infrastructure verte, en réinvestissant tous les bénéfices.

Volkswagen et les autres investisseurs de ce fonds vert pourront être propriétaires des actifs du fonds, mais ils ne seront pas en mesure de sortir l’argent avant un nombre d’années déterminé – disons 20, ou même 40. Ce « sacrifice » leur donne deux occasions de se faire pardonner. Tout d’abord, la valeur de l’actif va à la génération suivante, celle que tout le monde entend sauver du réchauffement climatique. Ensuite, Volkswagen construit une infrastructure qu’elle-même ne peut pas utiliser — jusqu’à ce qu’elle se lance, elle aussi, massivement dans les voitures électriques.

UN « GREEN REDEMPTION FUND » POURRAIT SAUVER VOLKSWAGEN, MAIS AUSSI ET SURTOUT CONTRIBUER À NOUS SAUVER DE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Si Volkswagen lance immédiatement un« green redemption fund » pour créer un réseau de bornes de recharge, il pourra en appeler à la miséricorde de l’opinion publique. Si le gouvernement américain se montre inflexible sur le paiement des 18 milliards de dollars d’amende, alors c’est lui qui deviendra le coupable.

Volkswagen, rétablissant son image de marque comme un voyou qui se repend, pourrait même vendre beaucoup de voitures, faisant ainsi de ces 18 milliards un levier. Versés par Volkswagen au green redemption fund,ils permettraient de construire un réseau national de bornes de recharge. Selon un rapport de septembre de l’Idaho National Laboratory, les bornes les plus rapides, les DC Fast Chargers, offrent une autonomie de 55 km en dix minutes. Leur coût moyen est de 23 662 dollars, même si certaines valent le double.

Dix-huit milliards de dollars pourraient financer un grand nombre de stations de recharge rapide – environ 800 000 bornes – dans les parkings, les supermarchés, les stations d’essence, etc. Les amendes encourues par Volkswagen, dans d’autres pays, pourraient également abonder ce fonds vert et contribuer à construire des réseaux nationaux de stations de recharge dans ces pays.

Un green redemption fund pourrait sauver Volkswagen, mais aussi et surtout contribuer à nous sauver de la pollution atmosphérique et du réchauffement climatique. (Traduit de l’anglais par Richard Robert)

Robert Bell, professeur de management, a présidé le département de finance et de management au Brooklyn College (City University de New York). Son ouvrage le plus récent est La Bulle verte (Scali, 2007).

  • Robert Bell (Brooklyn College, City University de New-York)

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/23/comment-volkswagen-peut-se-faire-pardonner_4795668_3234.html#9TFyoosuYOk6C3RR.99

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