Avec Barack Obama, le choix du nucléaire n’est pas nécessairement renouvelable, par Robert Bell
L’élection de Barack Obama est un coup dur pour le développement de l’énergie nucléaire aux Etats-Unis.
L’élection de Barack Obama est un coup dur pour le développement de l’énergie nucléaire aux Etats-Unis. Un accord gouvernemental en faveur de nouvelles installations requiert l’approbation d’un site de stockage des déchets radioactifs. Le seul site envisagé, et déjà en construction, est Yucca Mountain, dans le Nevada. Mais son ouverture semble bien compromise.
Lors de sa campagne présidentielle, le candidat Obama a gagné au Nevada en partie grâce à sa promesse de s’opposer à l’ouverture de ce site, situé à moins de 150 km de Las Vegas, la ville la plus peuplée de cet Etat. S’il revient sur sa promesse, le président Obama pourra dire adieu aux quatre grands électeurs du Nevada, s’il vise une réélection en 2012.
Au sein de la majorité démocrate au Congrès, il existe une opposition marquée au site de stockage. Le puissant président de la commission de l’énergie et du commerce à la Chambre des représentants, Henry Waxman (député de Beverly Hills en Californie), a mis sur son site Web une seule information sur la question de Yucca Mountain : le communiqué de presse du 25 avril 2002 qui met en doute les preuves scientifiques avancées en faveur du site. Quant au Sénat, l’opposition au site de stockage y est virtuellement acquise. Le leader de la majorité démocrate du Nevada, Harry Reid – qui se représentera aux élections sénatoriales dans moins de deux ans -, a déclaré, le 3 décembre 2008, que le site de Yucca Mountain est “enterré”, et qu’il ne laisserait pas le Sénat entériner la nomination d’un ministre de l’Energie qui serait favorable à l’ouverture de ce site.
A cet égard, le choix par Obama du Prix Nobel de physique Steven Chu est un signe fort : le docteur Chu était un partisan convaincu des énergies renouvelables à la tête du laboratoire national californien Lawrence-Berkeley. Deux mois après sa nomination au DOE, le sénateur John McCain lui demanda, devant une commission du Sénat, si lui et le président Obama allaient vraiment exclure tout stockage de déchets nucléaires sur le site de Yucca Mountain. La réponse : “C’est vrai.”
Obama a par ailleurs créé un poste de “superministre de l’énergie”, basé à la Maison Blanche et confié à Carol Browner, qui a dirigé l’Agence de la protection de l’environnement (APA) sous la présidence Clinton. Elle était, et est toujours, la protégée d’Al Gore, l’ancien vice-président de Bill Clinton et Prix Nobel de la paix 2007. Celui-ci appelle les Etats-Unis à se fixer pour but de sortir de la production d’énergies fossiles dans les dix ans à venir, au prix d’un accroissement massif des énergies renouvelables, couplées à un nouveau réseau énergétique national informatisé. Les réacteurs nucléaires déjà en fonction continueraient à être utilisés en attendant de les fermer au fur et à mesure. Alors que le candidat McCain avait promis de faire construire 45 nouveaux réacteurs nucléaires, Obama s’est, lui, engagé à relancer l’économie américaine avec une croissance massive de l’infrastructure en énergies renouvelables.
De fait, sans même parler de sécurité et de risque terroriste, l’énergie nucléaire n’apparaît plus désormais comme une option politiquement viable pour les Etats-Unis. Aujourd’hui les crises climatique et économique obligent à choisir des technologies renouvelables et un retour sur investissement rapide. Non seulement la construction d’une centrale nucléaire est trop coûteuse (par gigawatt elle approche le double de l’éolien) mais en plus le retour sur investissement est trop long : les investisseurs ne peuvent espérer toucher le moindre centime avant cinq ou dix ans dans le nucléaire (entre le permis de construire et la production du premier watt). Dans une récession qui s’accélère, c’est tout simplement trop long. Ce n’est pas un hasard si EDF envisage de prolonger de vingt ans la vie de ses réacteurs en fonction…
En revanche, une éolienne ou une installation photovoltaïque se construisent en quelques mois, et produisent l’électricité qui permet un retour sur investissement rapide. Reste le prix de revient de l’électricité produite. Le coût des énergies nucléaire et fossile semble moins élevé, mais on ne tient pas compte de tous les facteurs. Une “taxe carbone” obligera à mettre la vérité des coûts sur la table.
La politique énergétique est moins conduite par les marchés que par la volonté des gouvernements, comme a pu le montrer la politique du “tout-nucléaire” de la France des années 1970.
Robert Bell est professeur au Brooklyn College.