« L’UE pourrait produire suffisamment de biométhane pour remplacer le gaz russe »
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Le professeur de gestion Robert Bell affirme que la conversion des déchets organiques en méthane permettrait de mettre fin aux importations de gaz russe.
Depuis le jour où les Russes ont envahi l’Ukraine, le 24 février 2022, l’Union européenne (UE) a versé à la Russie plus de 28 milliards d’euros en échange de son gaz (Financing Putin’s war : Fossil fuel imports from Russia during the invasion of Ukraine, Centre for Research on Energy and Clean Air, CREA). Parallèlement, l’UE recherche d’autres sources d’approvisionnements pour remplacer les 155 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz naturel importé de Russie. Or, l’UE pourrait produire localement, selon diverses modalités, suffisamment de biométhane pour remplacer ce gaz importé.
Rappelons que le biogaz est produit par la décomposition, en l’absence d’oxygène, de matières organiques (fumier, eaux usées humaines, résidus agricoles, etc.). Le biogaz se compose de 50 à 70 % de méthane et de 30 à 50 % de CO2. En éliminant ce dernier et les traces de sulfure d’hydrogène (qui produit la mauvaise odeur d’« œuf pourri ») par un processus facile et peu coûteux, il reste le méthane pur, substitut parfait au gaz naturel.
Le biométhane produit dans les grands centres de production coûte souvent un tiers de moins que le prix désormais élevé du gaz naturel. Dans les petits centres de production, les coûts sont plus comparables au gaz russe, mais au moins l’argent reste sur place, il ne va pas en Russie ! Le biométhane circule dans les mêmes canalisations et installations de stockage que le gaz naturel.
Un moyen de stocker l’énergie
Dès lors, pourquoi ne pas le substituer au gaz russe ? Simplement parce qu’on en produit bien peu,environ 3 mmc, comme l’indique l’Association européenne du biogaz (EBA).Cette même source indiquait également, qu’en utilisant ses propres déchets, l’UE pourrait produire 35 mmc de biométhane d’ici à 2030, soit plus de 20 % des importations de gaz russe.
Cette estimation a été retenue dans la stratégie officielle de la Commission européenne, REPowerEU. Installer l’infrastructure de production de ce biométhane coûterait, selon l’EBA, quelque 80 milliards d’euros. Cela semble beaucoup, mais c’est peu comparé aux 28 milliards versés aux envahisseurs russes en seulement quatre mois !
De plus, le CO2 extrait du biogaz d’origine peut être valorisé pour obtenir plus de biométhane : combiné avec de l’hydrogène dans un réacteur, en présence d’un catalyseur au nickel, il ressort sous forme de gaz méthane pur. Ce serait un moyen de stocker l’énergie pour pallier les pertes de production intermittentes des parcs éolien et photovoltaïque.
L’UE doit agir de manière déterminée
Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement, et moi-même avons proposé en 2013 de faire de ce procédé la pierre angulaire de la transition énergétique française et européenne (projet Volt Gaz Volt). L’extraction de CO2 provenant de la production des 35 mmc de biométhane prévus par REPowerEU permettrait d’obtenir un total de 45 à 52 mmc de biométhane pur, ce qui correspond à 33 % du gaz importé de Russie par l’UE avant le déclenchement de la guerre.
Si l’UE remplaçait massivement le gaz russe par de l’éolien et du photovoltaïque, cette production de méthane serait suffisante pour combler le déficit d’intermittence de l’énergie électrique, si l’on se fie à une estimation faite en 2021 par Bloomberg New Energy Finance, qui décrit un « scénario vert » pour atteindre en 2050 des émissions nettes nulles. 84 % de l’électricité serait produite par l’éolien et le solaire. Pour combler les 16 % manquants lorsqu’il n’y a ni soleil ni vent, diverses énergies sont proposées : hydrogène, nucléaire, gaz naturel, etc.
Pour remplacer dès à présent le gaz russe, l’UE devrait de toute urgence le substituer par 84 % d’éolien et de solaire, et les 16 % restant par son propre biométhane. Mais cela exige que l’UE ait la volonté d’agir de manière déterminée. Jusqu’à présent, elle a surtout passivement envoyé d’énormes sommes à son ennemi en guerre non déclarée.
Une possibilité d’acquisition importante de biométhane
Harmen Dekker, président de l’EBA, explique dans un entretien du 13 juin [avec l’auteur] que les obstacles bureaucratiques nationaux réglementant le transfert de biométhane entre les pays « constituent un énorme problème ».
Mais il insiste sur le fait que même en tenant compte de ces obstacles, 35 mmc « est un objectif réaliste et réalisable » et pourrait même plus que doubler pour atteindre 70 à 80 mmc sans même changer les pratiques agricoles actuelles, en y ajoutant simplement la production de biogaz à partir de ses déchets organiques existants. Si le CO2 extrait de ce biogaz est de surcroît valorisé, on obtiendrait alors de 105 à 130 mmc de biométhane, soit près de 80 % des importations de gaz russe.
De plus, selon Harmen Dekker, avec « des pratiques agricoles améliorées telles que la culture séquentielle et la généralisation de technologies innovantes comme la gazéification, le potentiel augmente encore plus », jusqu’à atteindre 160 mmc de biométhane pur. Ajoutez le biométhane synthétisé à partir du CO2, et l’UE pourrait obtenir un total de 208 à plus de 220 mmc. C’est ce que l’UE pourrait obtenir avec la technologie existante du biométhane, si elle s’en donnait réellement les moyens.
ENGLISH VERSION – CAN THE EU’S OWN WASTE REPLACE RUSSIAN NATURAL GAS?
Can the EU substitute its own domestically produced biomethane for imported Russian natural gas? Yes, and there are several ways this can happen, as explained below.
First a definition: Biogas is produced by the rotting of, in the absence of oxygen, amazingly abundant organic matter–manure, human sewage, field crop residue, etc. It is composed of 50-70% methane. The other 30-50% is CO2. If the CO2 and traces of hydrogen sulfide (source of the bad odor) are removed, which is an easy, cheap process, the remaining gas is pure methane, called biomethane–a perfect substitute for natural gas.
Since the day the Russians invaded Ukraine, February 24, the EU has paid Russia over 28 Billion euros for just natural gas, according to a source used by the Financial Times energyandcleanair.org/financing-putins-war/.
Also since that same day, the EU has sought other supplies to replace the 155 Billion Cubic Meters (BCM) of natural gas it imported from Russia.
However, months before Russia attacked, it had cut back its supply of natural gas to the EU. The price EU importers paid on the open market shot up over four times the price of the year before. The price has stayed above that extremely elevated price, with little to no prospect it will fall in the foreseeable future.
Biomethane, from the larger facilities, often costs about one third less than the now elevated price of natural gas. Even for smaller facilities, where the costs may be more comparable to Russian gas, the money stays home; it doesn’t go to Russia! Since biomethane works in the same pipelines and storage facilities, why not use it to replace the Russian gas? Because there isn’t very much of it at this moment—about 3 BCM, according to the main promoters of it in Europe, the European Biogas Association (EBA) in an 8 March 2022 press release.
That announcement also stated that the EU, using its own waste, could produce 35 Billion Cubic Meters of biomethane by 2030, over 20% of the Russian gas imports. This estimate has been incorporated into the European Commission’s official strategy, REPowerEU. So it should be taken seriously. The infrastructure for this biomethane production would cost, according to the EBA, some 80 Billion euros. That sounds like a lot, but recall the EU importers have already handed more than 28 Billion euros to the Russians invaders in just four months!
Interestingly, the CO2 removed from the original biogas can be upgraded to get more biomethane: combine it with hydrogen in a reactor, in the presence of a nickel catalyst. The output is pure methane gas. Corinne Lepage, former Environment Minister, and I proposed precisely this process in 2013 to be the cornerstone for the French and European energy transition. It would give dispatch-able gas powered electricity to fill the gaps in electric power from the increasing numbers of wind farms and photovoltaic parks, which inherently produce intermittent energy. (Google: Project Volt Gas Volt.)
How much total biomethane can we get if we put the CO2 removed from the original biogas (that yielded 35 BCM of biomethane) through this process? Somewhere between 45 BCM and 52 BCM of pure biomethane–33% of the gas the EU imported from Russia just as the Russians launched their war.
Would it be enough to fill the intermittency gap in electric power if the EU made a massive effort to replace as much Russian gas as possible with wind turbines and photo-voltaic panels? Yes, if we credit a widely discussed estimate made last year by Bloomberg New Energy Finance. They described a “Green Scenario” for 2050 to achieve net zero emissions. Their researchers showed one possible future: 84% of electricity would be produced by wind and solar power. To fill the 16% gap when there is no sun or wind, they proposed various dispatch-able energies: hydrogen, nuclear, natural gas, etc. Why can’t it be the same percentage now, if enough wind turbines and solar panels were built, to replace a segment of fossil fuels, specifically Russian natural gas?
But this requires that the EU has the will to act decisively. So far, they have largely shoveled money to their undeclared-war enemies.
Why, in the midst of a war crisis, would it take eight years to get to 35 BCM? Harmen Dekker, the CEO of the European Biogas Association explained in an interview that national bureaucratic “hurdles” regulating the shipping of biomethane between countries “are a huge problem.” But he insisted that, even with the hurdles, 35 BCM “is a realistic, achievable target.”
For many uses besides electricity production, the EU could simply produce more biomethane. An Annex to the EBA’s March press release states: “The assumptions used on feedstock availability are highly conservative.”
How much more biomethane by using more existing waste? According to Harmen Dekker; they could more than double the figure to 70-80 BCM–without changing current agricultural practices—other than making the biogas. If they upgraded the otherwise lost CO2 in the biogas, they would get up to 105-130 BCM of biomethane—as much as 80% of Russian gas imports.
What if the EU did change its agricultural practices? According to Dekker, with “improved agricultural practices such as sequential cropping and scale-up of innovative technologies such as gasification, the potential increases even further.”
How much further? 160 BCM of pure biomethane! Add in the biomethane synthesized from the CO2, and the EU could get a total range of 208 BCM to well over 220 BCM.
That’s what the EU could accomplish with existing biomethane technology, if it actually tried.
Robert Bell (Professeur de management, Brooklyn College, City University de New-York) est l’auteur de « Les Péchéscapitaux de la haute technologie. Superphénix, Eurotunnel, Ariane 5… » (Seuil, 1998) et « La Bulleverte. La ruée vers l’or des énergies renouvelables » (Scali, 2007)
Stanly tang
July 28, 2022 at 5:16 pmDo you think politics is playing a role in the slow step of being independent toward Russian gas and what type of politics is at play for the slow step.